Le harcèlement, l’agressivité, les violences verbales et parfois physiques font partie des sujets les plus abordés dans les médias lorsqu’il s’agit des jeunes. Mais est-ce le cas dans le hockey ? Assiste-t-on aux mêmes dérives dans notre sport, qui porte haut les valeurs du fair-play et de la camaraderie ?
Une étude récente (septembre 2022), publiée dans la Revue Internationale de Recherche Environnementale et de Santé Publique, fait état d’une augmentation et d’un taux alarmant de violence interpersonnelle dans le sport. Les formes sont variées, et l’étude fait état de violences psychologiques et physiques qui touchent de nombreux jeunes athlètes. Elle rapporte que 70 % des jeunes interrogés mentionnent avoir subi des violences perpétrées par leurs pairs, ce qui souligne l’importance du sujet.
Depuis le bord des terrains chez nous, il est difficile de tirer des conclusions générales. Que ce soit en U14, U16 ou U19, il n’est pas rare de devoir calmer les esprits qui s’échauffent, surtout chez les garçons. On entend parfois à la fin d’un match des noms d’oiseaux, des moqueries, voire même deux jeunes qui en viennent à se prendre par le col. Faut-il attribuer cela à une augmentation de l’agressivité ou simplement à la montée de testostérone et à la sensibilité qui l’accompagne ? La plupart des parents opteront pour la deuxième option.
Pourtant, un des déclencheurs majeurs des comportements agressifs avec un impact direct sur les jeunes est le climat compétitif. En effet, dans le hockey, un climat de plus en plus compétitif s’installe, tant sur le terrain entre adversaires qu’au sein d’un même groupe ou d’une même équipe. Les places sont chères, les sélectionneurs le répètent souvent.
Tout le monde n’aura pas l’occasion de jouer en équipe première, en division honneur, ou d’atteindre le top hockey et les Jeux Olympiques. Et pourtant, c’est ce dont beaucoup d’enfants rêvent, et leurs parents mettent tout en œuvre pour qu’ils aient la chance d’accomplir ces rêves. La pression devient alors énorme, tant du côté du club, où il est hors de question de manquer un entraînement ou pire, un match, que du côté de l’enfant qui veut réussir à tout prix et s’impose trop d’exigences. C’est souvent à ce moment que la limite est franchie.
La théorie des objectifs d’accomplissement montre que les jeunes orientés vers l’ego, qui cherchent à surpasser les autres par comparaison, sont plus enclins à adopter des comportements violents pour gagner. Il n’est alors plus question de succès d’équipe, mais bien de performance personnelle avec pour seul objectif de se démarquer des autres, quels qu’ils soient.
Bien sûr, il y a une grande différence de pression entre l’équipe première du club, qui s’impose parfois des objectifs lourds à porter pour des enfants de douze ou treize ans, et les équipes quatre, cinq ou six, où les joueurs sont essentiellement rassemblés par envie et pour le plaisir.
Ça mérite une carte !
Mais qu’en est-il au niveau des faits ? N’est-il pas possible, en regardant les statistiques de cartons, de savoir si les potentiels futurs lions prennent plus de cartons qu’auparavant ? La réponse à cette question n’est pas si simple. Car si dans les divisions nationales, les arbitres officiels sont tenus de noter les cartons donnés, en LFH ou VHL, c’est une tout autre histoire. Dans les divisions régionales, l’arbitrage est assuré par des jeunes du club ou des parents, et la consignation des cartons n’est pas systématique. Il ne s’agit pas d’une volonté délibérée, mais plutôt d’une méconnaissance de la règle, d’un oubli ou d’une bienveillance qui évite d’imposer ce « flag » à un enfant déjà exclu du terrain. Pourtant, cela fausse les données !
Prenons par exemple les dernières rencontres en U16 Boys division nationale honneur, donc arbitrées par deux référés officiels, où la pression est la plus forte. Que constate-t-on ? Dans chacune des six rencontres, des cartons ont été distribués. Les hommes en rose ont sorti 15 cartons verts et seulement deux cartons jaunes. Dans la même division honneur, mais cette fois-ci en U19, toujours chez les garçons, 13 cartons verts et 4 cartons jaunes ont été donnés. Il y a donc bien des comportements suffisamment sanctionnables pour que les arbitres sortent leurs cartons. Remarquons toutefois qu’aucun carton rouge n’a été donné et que les cartons jaunes ne sont pas majoritaires.
Il est intéressant de noter que chez les filles du même âge, 12 cartons verts ont été donnés. Dans certaines rencontres, aucun carton n’a été distribué, et aucun carton jaune ou rouge n’a été donné.
La carte verte, atout maître du hockey et de l’arbitre
On distribue donc beaucoup de cartons verts chez les jeunes, tant chez les garçons que chez les filles. N’est-ce pas là la grande force de gestion du hockey ? Car c’est bien à cela qu’elle sert ! Avertir et prévenir un comportement qui pourrait déraper. En excluant pendant deux minutes un joueur ou une joueuse dont le comportement n’est pas approprié sur un terrain de hockey, on instaure un garde-fou clair. On donne à l’arbitre le moyen de garder la main sur la rencontre et on offre au joueur l’opportunité de se calmer sur le banc. C’est probablement pour cette raison que les rencontres sont maîtrisées.
Pour tous les parents, jeunes et autres arbitres d’une rencontre, il est fondamental de prendre conscience du rôle de cette carte et de ne pas hésiter à l’utiliser. Ceci implique deux choses : 1. Connaître les situations dans lesquelles une faute DOIT être sanctionnée par un carton. 2. Avoir un carton sur soi quand on arbitre et le sortir lorsque la faute est commise. Cela calmera le joueur et le jeu par la même occasion.
Si les gestes sont très vite sanctionnés, il reste les mots. Ceux glissés à l’adversaire, parfois au coéquipier, sans que ce soit entendu par l’arbitre qui ne peut donc les sanctionner. Si un mal a pris de l’ampleur ces dernières années, ce sont bien les violences verbales et psychologiques, proférées discrètement, presque en silence. C’est là que le rôle de l’adulte intervient, rôle qui dépasse parfois clairement les lignes du terrain.
Il est impératif que les parents, depuis le bord du terrain, apaisent le jeu. Les jeunes sont déjà suffisamment et naturellement « chauds » pour ne pas avoir besoin de plus d’excitation ou de contestations envers l’arbitre.
Toujours pour s’appuyer sur des faits avérés, les jeunes qui se concentrent sur la tâche à accomplir et sur leur propre amélioration ont significativement moins tendance à adopter des comportements violents. En cultivant l’esprit d’équipe, la capacité à se concentrer sur le jeu et le rôle que le joueur a à accomplir au sein du groupe, le coach et les parents diminuent le risque que la partie ne dérape.
Il est donc nécessaire de toujours les encourager en tant qu’équipe et de rester positif, quoi qu’il arrive. Tout le reste, c’est le rôle des coachs et de l’arbitre. Il ne faut surtout pas râler quand un jeune « prend une verte ». Ce n’est pas grave, c’est tout à fait normal. Ils sont jeunes, ils s’énervent et apprennent à se maîtriser. À nous, parents, d’en faire autant.
Comments